Le Son du Maquis propose une très belle compilation pour commémorer la chute du Mur de Berlin, composite mais particulièrement cohérente et originale.
Figurent sur cette compilation les grands noms du rock allemand des années 70, Amon Düül II, CAN, Neu!, Cluster (mais pas Kraftwerk, probablement pour des questions de droits non concédés...), et ceux des années 80, Die Tödliche Doris, Die Krupps, The Young Gods, Palais Schaumburg, Einsturzende Neubauten, Nina Hagen...
Le choix a porté sur des titres emblématiques et d'autres moins connus : Thief et Future Days pour CAN, Vamos Companeros pour Harmonia (groupe formé du duo Cluster + Michael Rother de Neu!), le très beau Space Between pour Brainticket (formation transnationale helvético-italo-germano-belge, selon les moments).
On se délecte de l'émouvant Reich der Traüme ("Le Royaume des Rêves") de Nico. Oui, Nico, qui, de son regard d'acier et de son chant suspendu, galvanisa le premier album du Velvet Underground. De sa voix crépusculaire, Nico chante "Lass mich lieben, lass mich sterben" ("laisse moi aimer, laisse moi mourir"), un titre signé par l'ancien guitariste d'Agitation Free Lutz Ulbrich (son compagnon) et publié sur son album solo Lüül en 1981.
Aux antipodes en matière de voix féminines, l'égérie punk Nina Hagen, passée de l'Est à l'Ouest, apparaît avec les titres Born In Xixax et Cosmo Shiva. Dans cet esprit éclectique, cette compilation est un doux panorama de la déglingue ambient-électro-rock-indus allemande.
Cette commémoration est bien sûr un prétexte. Elle prend pour titre les bornes chronologiques 1961 et 1989, celles de la construction et de la Chute du Mur de la Honte. La sélection musicale couvre une période qui s'étend de 1972 à 1991. Le CD 1 est titré "west side", le CD 2 "east side", alors que le contenu est exclusivement issu d'Allemagne de l'Ouest (Cologne, Hambourg, Munich, Berlin Ouest). Qu'importe. Cette sélection prend la tangente, celle de la ligne d'un Mur érigé aux pires moments d'une Guerre Froide, d'affrontements idéologiques qui paraissent aujourd'hui bien futiles. Dans les deux camps étaient défendus des manières de concevoir une société de production. Alors que, manifestement, il faut lutter aujourd'hui contre la surproduction, prôner la décroissance.
Cette compilation prend la tangente, par la captation d'ambiances, à l'image du sublime Rapido De Noir d'Irmin Schmidt (de CAN) et de l'helvète Bruno Spoerri.
Les sons d'ambiances ajoutés au mixage entre les morceaux (cris au-dessus du Mur, tirs, hélico, sirènes, la foule en liesse au moment de la Chute...), viennent évoquer l'Histoire. Ce mur du son a été concocté par Pascal Bussy (auteur de très bons livres sur CAN et Kraftwerk), Caroline Cartier et Philippe Pierre-Adolphe, mixé par Caroline Cartier.
Ce Wall of Sound est l'une des meilleures compilations du vaste mouvement Krautrock, parce que dans ses interstices, entre les titres, résonnent les expressions de vies humaines, prises dans l'étau de l'Histoire.
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