Drums Between The Bells, l'album de Brian Eno en collaboration avec le poète Rick Holland, est à placer parmi les plus beaux qu'il ait enregistrés. Il charme par ses alliages rythmiques et évolutifs complexes, souvent très aériens, parfois aussi très agressifs, avec triturations de guitare, moments à la limite de la drum'n'bass ou riffs metal...
Cet album est bien sûr une nouvelle émanation des méthodes de travail de Brian Eno essentiellement fondées sur la cybernétique. Des obliques strategies avec Peter Schmidt à ses récents travaux multimédia, tout se rejoint dans cette façon de concevoir les choses avec un vision large incluant leurs modes de fonctionnement et les interactions qui les animent. D'ailleurs, dans un monde gouverné par des systèmes informatiques mis en réseaux et où l'écologie devient fatidiquement une question majeure, Brian Eno n'est pas à l'avant-garde mais complètement en phase avec son temps. Pas étonnant donc qu'il soit aujourd'hui publié par le label Warp, grande référence des musiques électroniques de ces 20 dernières années, et dont la plupart des artistes admirent (évidemment) Brian Eno !
La cybernétique et l'oeuvre ne font même qu'un sur le foudroyant The Glitch où les mots de Rick Holland résonnent en ouverture : "There is a glitch in the system outside the brain flow...", texte dicté par une voix filtrée électroniquement.
Drums Between The Bells n'émerge pas du néant. Il a au moins deux récents et merveilleux prédecesseurs : Drawn from Life de 2001, album méconnu avec J. Peter Schwalm et Laurie Anderson, et Another Day on Earth en 2005, album peut-être aussi mésestimé et pourtant somptueux. Bien qu'un peu plus hétéroclite, Drums Between The Bells ressemble beaucoup à ces deux-là. Au premier pour ses systèmes musicaux et ses sonorités électroniques très organiques. Au second parce que Brian Eno recourt à des voix d'une profonde poésie, qu'elles soient ou non électroniquement modifiées.
La voix de Brian Eno prend une nouvelle dimension ces dernières années. Bien que n'étant pas d'une nature extraordinaire, elle abandonne les accentuations exagérées. Tel un apprenti ayant dû s'exercer longtemps, Brian Eno parvient à la justesse vocale d'un humble maître.