Julian Cope : Krautrocksampler

Krautrocksampler : petit guide d'initiation à la grande Kosmische Musik (traduit de l'anglais par Olivier Berthe) (Editions Kargo & l'Eclat, 2005)

Julian Cope, Krautrock sampler : petit guide d'initiation à la grande Kosmische Musik (traduit de l'anglais par Olivier Berthe) (Editions Kargo / l'Eclat, 2005).

Publié à l'origine en langue anglaise par Head Heritage en 1996, sous le titre Krautrock sampler : One Head's Guide to the Great Kosmische Music 1968 onwards, ce livre du musicien Julian Cope a largement contribué au retour en force du Krautrock auprès du public (averti) au milieu des années 90. Tous les adeptes de déviances sonores en connaissaient l'existence, mais peu l'avaient lu en France (hormis quelques extraits traduits sur le net). De plus Krautrocksampler fut rapidement épuisé et seulement trouvable à des sommes mirobolantes sur Ebay. Neuf ans plus tard arriva enfin une édition française permettant d'apprécier cet ouvrage sur pièce, et ce grâce aux Editions Kargo & l'Eclat et au traducteur Olivier Berthe.

Krautrocksampler a été écrit par Julian Cope, un fan absolu, cela va sans dire. Et son livre en porte évidemment la trace. Il s'agit d'une chronique relativement subjective de cette scène visionnaire allemande. Dans une première partie "Brève histoire de l'émergence du Krautrock" Julian Cope transmet, avec un style très direct, voire trivial, sa passion pour son sujet. Il passe en revue les grandes étapes de l'histoire de cette vague allemande, en ponctuant son récit d'anecdotes croustillantes, maintenant le lecteur dans un état jubilatoire. Julian Cope écorche au passage quelques groupes anglo-américains de l'époque. Les Pink Floyd "insipides", il y va fort quand même, d'autant plus que le groupe anglais est une influence indéniable pour certains de ses "krautrockers". Par contre concernant les musiciens allemands, les superlatifs pleuvent : "Klaus Schulze était peut-être le meilleur batteur de toute l'histoire de la musique" (quelques plages des Cosmic Jokers l'attestent effectivement). On a aussi droit à des rapprochements pour le moins étranges. Ainsi "Les deux albums que les Ash Ra Tempel avaient sortis avaient élevé le metal de Detroit à des hauteurs que n'avaient pu atteindre ni les MC 5, ni les Stooges, ni même Funkadelik". Bien que la comparaison se veuille flatteuse, elle est totalement incongrue.

Julian Cope : Krautrock sampler : One Head's Guide to the Great Kosmische Music 1968 onwards (Head Heritage, 1996)

En deuxième partie, on trouve un historique bien renseigné de chacun des groupes les plus représentatifs de ce courant : Tangerine Dream (d'Electronic Meditation à Atem), CAN, Neu!, Amon Düül I et II, Faust et Ash Ra Temple. Krautrocksampler s'attarde longuement sur le producteur Rolf-Ulrich Kaiser (fondateur de l'incontournable label Ohr Musik, devenu ensuite Die Kosmische Kuriere), notamment sur ses sulfureuses relations avec les apôtres du LSD Timothy Leary et Brian Barrit, relations qui donneront lieu à la série des Cosmic Jokers et causeront la chute de ses entreprises discographiques. On regrette dans ce livre le peu d'informations sur le Zodiak Club (haut lieu berlinois de la Kosmische Musik à la fin des années 60), sur Agitation Free, Kluster, Cluster et Kraftwerk, lacunes un peu rattrapées dans le Top 50.

La lecture se prolonge en effet par un best of Krautrock de près de 70 pages. En fait de Top 50, il s'agit d'une collection de chroniques d'albums (50, donc, accompagnées de leur pochette en couleur), classées par ordre alphabétique des noms de groupes. Ce Top confirme les goûts de Julian Cope : 5 albums d'Amon Düül I et II, 4 d'Ash Ra Temple, 5 de Can, 3 de Cluster (et rien de Kluster), 7 des Cosmic Jokers (en comptant le Walter Wegmüller et le Sergius Golowin), 5 de Faust (en comptant celui avec Tony Conrad), 1 seul de Kraftwerk (oui seulement 1, leur premier album), les 3 Neu!, 1 seul de Klaus Schulze (oui..), 4 de Tangerine Dream, aucun Agitation Free (pas même Malesh)… Julian Cope adore manifestement les disques des Cosmic Jokers (groupe "inventé" par Kaiser), pourtant loin d'être les disques les plus intéressants et les plus aboutis de cette période.

Krautrocksampler est un jalon dans la redécouverte de tous ces groupes et reste une référence. Le regard subjectif de l'anglais Julian Cope donne toute sa vivacité à Krautrocksampler, même si cela se fait parfois par quelque distorsion du réel.

© Eric Deshayes - neospheres.org