Cela peut s'appliquer à de nombreux disques de musique improvisée, on pénètre dans Drachen de Mathias Delplanque comme dans une jungle hostile, sans repères connus auxquels s'agripper. C'est ce qui fait tout l'intérêt du "genre"
A la première écoute, les grésillements, cliquetis, réverbérations et fréquences tendues de guitare électrifiée n'ont rien non plus de très accueillant. Mais en masochiste du son, ça nous plaît quand ça fait mal et on monte de plus en plus le volume à chaque nouvelle écoute. L'atmosphère est aussi tout de même très respirable, l'espace sonore aéré. «Drachen part 1 to 7» s'écoule lentement entre reflets de lames de rasoir et flous de cordes vibrantes... Jusqu'à la piste 7, propulsion spatiale laissant pantois comme une scène inédite de Blade Runner. Le disque s'achève sur «Gandefabou», une huitième pièce de cliquetis aux cordes légèrement japonisantes.
La jungle ainsi défrichée ne laisse alors qu'une envie : se replonger dans ce beau disque qu'est Drachen. La superbe pochette signée Francis Mestet évoque un lointain passé violent ayant déstructuré un fauteuil capitonné, avant d'abandonner le lieu à l'entropie d'une nature sauvage. Le tout, contenant et contenu, apporte d'excellentes sensations et incite à aller découvrir la bien nommée Mind Travels Series, collection dédiée aux musiques ambient, neo-classiques et industrielles du label Ici D'Ailleurs. Drachen, titre germaniste, guttural et crachotant, en est un ambassadeur subtil : le beau n'est pas nécessairement synonyme de confortable.