GUILLAUME BELHOMME

ERIC DOLPHY (Le Mot et Le Reste, 2008)

ERIC DOLPHY de Guillaume Belhomme, n'est plus disponible chez Le mot et le reste, et a été publié en une nouvelle édition chez Lenka Lente en 2018.

Guillaume Belhomme : Eric Dolphy (Le Mot et Le Reste, 2008)

Il aura fallu attendre longtemps avant de pouvoir lire un ouvrage en français entièrement consacré à Eric Dolphy. Pourtant, s'il n'est pas entré dans le cercle très restreint des jazzmen reconnus auprès du grand public, comme le constate Guillaume Belhomme, Dolphy n'est pas non plus un second couteau. Il fait même partie de ces grandes pointures du jazz dont le seul nom fait résonner tout un imaginaire mythique (aux fondements avérés) : passeur entre les différentes esthétiques du jazz, penseur et surtout praticien d'un langage musical semblant de temps à autre abstrait pour l'oreille humaine, mais pourtant si concret et naturel, qu'il semble parfois dialoguer intimement avec les oiseaux. Il n'a pas non plus, il est vrai, gravé de "tubes" aptes à être facilement écoutables par des oreilles novices. Pas de "So What", ni de "My Favorite Things" chez lui.

En 1991, un Eric Dolphy était bien indiqué comme étant "à paraître" en dernière page du John Lewis de la belle collection Mood Indigo (Éditions du Limon), mais il n'a jamais vu le jour. Guillaume Belhomme vient enfin mettre un terme à cette absence avec son Eric Dolphy, un très bel ouvrage dans la collection Formes des Editions Le Mot et Le Reste.

L'approche, un suivi de la courte carrière du saxophoniste, flûtiste et clarinettiste d'un engagement à l'autre, d'un disque au suivant, est classique, mais ce récit chronologique à paradoxalement le mérite de mettre en valeur la singularité d'Eric Dolphy, son expressivité si peu orthodoxe, afférente à sa personnalité même, discrète et réfléchie. Il met ainsi en relief une conception de la musique tout à fait intemporelle, mais dont la mise en oeuvre est le fruit de contingences enracinées dans le présent. Eric Dolphy préféra souvent faire preuve de retenue, que le contexte soit ou non enclin à lui laisser toute aisance, balançant, avançant et re venant d'un jour à l'autre, voire en une même journée, entre un be-bop tout à fait digéré et un third stream qu'il contribuait à dépolir, entre un free-jazz qu'il faisait bien plus qu'anticiper et une musique contemporaine le conduisant à interpréter "Densité 21.5" de Varèse.

Chaque disque est l'objet d'une appréciation mesurée, courte lorsque celui-ci est jugé peu marquant, plus longue dans le cas contraire, permettant ainsi de démarrer ou de compléter sa discothèque en sachant à quoi s'en tenir. L'ouvrage est ainsi d'une précieuse utilité et offre en sus une perspective éclairante sur l'une des périodes clés dans l'évolution de la sphère jazzistique, puisque Eric Dolphy en fut l'un des éléments les plus actifs.

ERIC DOLPHY de Guillaume Belhomme aux éditions Lenka Lente.

© Eric Deshayes - neospheres.org