Cette production de Bruno Fleutelot frappe tout d'abord par le soin tout particulier apporté à l'objet disque lui-même. Chaque disque est unique (exemplaires numérotés, datés et nominatifs) et est déjà comme une forme de dédicace adressée à l'auditeur.
Jouant de ses différentes guitares (électrique, acoustique, basse) Bruno Fleutelot construit un espace acoustique en exploitant le silence d'une pièce vide comme toile de fond, tel un peintre devant une toile blanche. La photo de la pochette de [ ozo viv ] vient d'ailleurs appuyer cette idée. On pense à certaines uvres de Morton Feldman où les notes sont comme suspendues dans le vide, espacées de longs silences, mais Morton Feldman élaborait ses effets de façon abstraite, au moment de l'acte compositionnel.
Bruno Fleutelot adopte une approche beaucoup plus empirique et en phase avec le réel. Les bruits ambiants (gouttes d'eau, cliquetis, voix lointaine...) font partie intégrante de la musique (ils rappellent d'ailleurs un peu les click'n cuts de l'electronica). Une voix plaintive à peine perceptible, des chuchotements de flûtes, claquements de portes et autres sons viennent habiter l'espace. Les notes et drones apparaissent ainsi d'autant plus étirées et épurées qu'ils surgissent de cet environnement sonore aux frontières du silence. L'adjonction d'une batterie et d'un piano sur quelques morceaux fait même naître des fantômes de mélodies pop (voire heavy metal sur mare humorum) telles des esquisses un peu effacées par le temps. Ce disque fourmille de vignettes sonores à l'intérieur de chaque morceau et aiguisera à coup sûr vos facultés auditives. [ ozo viv ] est sensoriel.