Gisèle Ricard, un nom qui rime avec canular et groupe Pernod Ricard. Mais non, c'est sacrément sérieux. Il faut compter sur nos cousins d'Outre-Atlantique, partis s'installer sur les rives du Saint-Laurent il y a quelques siècles pour que ce nom se perpétue sur le continent américain. Car Gisèle Ricard est passée par Laval, pas en Mayenne, mais au Québec, plus précisément par le Studio de musique électronique de l'Université Laval, le SMEUL (un acronyme qui en jette), créé en 1969 par Nil Parent. « L'essor de la musique électroacoustique dans le paysage culturel canadien, et singulièrement québécois, est absolument remarquable», écrit Annette Vande Gorne dans son dans son histoire de la musique électroacoustique (évoquant notamment Norman Mac Laren et Maurice Blackburn, le CEC, l'ACREQ, Yves Daoust, les studios pédagogiques de Vancouver, Québec, Montréal... Sans oublier le grand Francis Dhomont.
Gisèle Ricard participe largement à cette effervescence. En 1974, elle co-fonde avec Nil Parent du SMEUL, Marcelle Deschênes et Jean Piché, le Groupe d'interprétation de musique électroacoustique (GIMEL), dissout en 1977. L'année suivante elle fonde l'Association de musique actuelle de Québec (AMAQ).
Le label Tenzier, dont il s'agit ici de la quatrième référence, publie trois pièces inédites enregistrées par Gisèle Ricard entre 1980 et 1987 en vinyle 180 grammes à un tirage limité à 300 copies. C'est du sérieux, mais cela ne signifie pas que l'humour en soit absent. La première pièce « Je Vous Aime » de 1987 est une enivrante parade nuptiale, un travail électroacoustique à partir d'extraits de chansons d'amour. « Immersion » de 1980 est un peu la rencontre des striures chères à Bernard Parmegiani faisant un ballet aquatique avec « Spirale », l'un des travaux des années cinquante de Pierre Henry, les plus "pré-techno". On peut d'ailleurs imaginer que la troisième pièce du disque, « Une autre création du monde », réalisée en 1982 en collaboration avec Bernard Bonnier, est un hommage à « La création du monde » de Bernard Parmegiani, également de 1982. Laquelle des deux a été créée avant l'autre ? Il se pourrait bien que « L'autre » soit la première... Qu'importe, tout est relatif, mon cher Albert. Mais une chose est stable, le plaisir de l'écoute, ici de sonorités de glissements, respirations et rebondissements, de torsions métalliques imaginaires (Gisèle Ricard et Bernard Bonnier anticipaient là de 30 ans « Vitamin » de Kraftwerk).