Tout fan de CAN qui se respecte connaît le coffret trois CD Anthology Soundtracks de 1994 et sa pochette verdâtre. Il regroupe les musiques de films composées par Irmin Schmidt entre 1978 et 1993.
Le double CD Filmmusik Anthology Volume 4 & 5 assure la suite, avec cette fois-ci une superbe pochette orangée, et avec des musiques produites sur la période 1998-2008. Le talent d'ambianceur et de coloriste d'Irmin Schmidt se bonifie avec le temps, et il a toujours su très bien s'entourer.
En ouverture, ce sont huit titres écrits pour Palermo Shooting de Wim Wenders, un film de 2008. Travaillant des ambiances mélancoliques, la musique est construite autour d'un accordéon plaintif, de sonorités de cordes sombres et d'un thème récurrent joué à la trompette en sourdine. Le trompettiste n'est autre que Markus Stockhausen, le fils de Karlheinz Stockhausen. L'ambiance nocturne évoque la musique de Miles Davis pour Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle. L'autre thème récurrent, "Flavia", basé sur des variations de Jean-Sébastien Bach, est très beau, magnifique même lors de sa deuxième apparition.
Le volume 4 contient aussi plusieurs morceaux composés pour Schneeland (Le Pays de la Neige). Leur tonalité nordique aurait pu les faire figurer au catalogue du label ECM. On pense en particulier aux productions du saxophoniste Jan Garbarek. Ici, c'est le vétéran Gerd Dudek, accompagnés par des sonorités de cordes anxieuses, qui assure le transport virtuel en des étendues blanches immaculées. Puis, avec les quelques musiques pour le film Paparazzo, revient un son de trompette en sourdine, cette fois jouée par Daniel Rosenboom et soutenu par une dub légère et des musiques d'ambiance électroniques.
Le volume 5 s'ouvre sur l'excellent et angoissant Exit West qui s'accorde bien, on l'imagine, avec le thriller politique La Piqûre du Scorpion. Ce deuxième disque est pour moitié consacré à des musiques pour la série Bloch dont le personnage central est un psychothérapeute, le Dr Bloch, dépressif et fortement bedonnant. Côté musique, on oscille entre illustrations sonores douces (flûte et percussions diverses) et ambiances tordues amenées par des sons dub, du piano et quelques autres instruments acoustiques.
Les thèmes suivants, notamment pour Tatort, penchent du côté obscur. L'anthologie se referme sur deux sommets opposés : le mélo "Geisterlied" pour le film Ich werde immer bei euch sein ("Je serai toujours avec vous") et un "Final Cut" (pour Paparazzo) qui est, quant à lui, un petit bijou de programmation électronique. C'est en fait Justus Köhncke, personnalité du label électro Kompakt, qui intervient à la programmation sur les deux tiers des titres de cette anthologie.