Orange Mountain a été créé par Kurt Munkacsi, le producteur de la plupart des disques de Philip Glass, et Don Christensen pour archiver tous les enregistrements (studios et en concerts) de Philip Glass depuis ses débuts, soit des centaines d'heures de musique incluant des œuvres de compositeurs avec qui il a collaboré. A sa création Orange Mountain annonçait vouloir partager avec le public quelques pièces, inhabituelles ou tout simplement belles. Ce premier volume de la série From The Kitchen Archives exhauce ce vœu avec new music new york 1979, un double qui apporte un formidable témoignage de la scène new-yorkaise de la fin des années 70. Ce titre reprend en fait le nom du festival organisé par Rhys Chatham en 1979. Il s'agit là d'une compilation incontournable pour découvrir, ou mieux connaître, la nouvelle musique américaine, dénommée en France "musique minimaliste". La pièce de Philip Glass Dance n°4 ouvre la marche. Cette œuvre pour orgue solo a été créée dans le cadre d'un projet commun avec la chorégraphe Lucinda Childs et le plasticien Sol LeWitt à l'époque d'Einstein On The Beach (1976). Le dernier enregistrement de la compilation est un extrait du célèbre Drumming de Steve Reich. Entre ces deux bornes défile la scène new yorkaise de la fin des années 70 : Meredith Monk, Jon Gibson, Garrett List, Gordon Mumma, Georges Lewis, Michael Nyman, Pauline Oliveros, Tom Johnson, Charlie Morrow, Barbara Benary, Phil Niblock, David Behrman, Joel Chadabe, Tony Conrad et Charlemagne Palestine.
On retrouve avec plaisir une interprétation de Criss Cross de Jon Gibson, qui fait le lien, évident, entre saxophone coltranien et musique minimaliste répétitive. On retrouve aussi les sidérantes vocalises de Meredith Monk, qui pose quant à elle une passerelle entre le chant des Native Americans et la musique contemporaine, une passerelle qu'emprunte également Charlie Morrow sur Dream Song / Vision Chant. Un trio de violons conduit par Barbara Benary prolonge sur Exchanges les drones de La Monte Young et Tony Conrad (ceux que l'on retrouve aussi chez Charles Curtis). Les entêtantes Secret Songs de Tom Johnson, basées sur des jeux de diction, marquent les tympans de la même façon qu'une rémanence rétinienne suite à un éblouissement. La frange électronique expérimentale est représentée par les drones de Phil Niblock et David Behrman, avec des sonorités très brutes pour l'un et beaucoup plus polies et "ambient" pour l'autre. Joel Chadabe s'illustre avec Solo, une œuvre mixte pour clarinette et électronique, plus dans la tradition "sérielle" (la musique est ici improvisée mais s'inscrit dans une veine atonale). Sur l'archive Untitled for solo voice Charlemagne Palestine est égal à lui-même. Il livre ses vocalises pas dépolies pour un sou, avant de se lancer dans un monologue digne d'un one man show à l'américaine, rires du public inclus.
new music new york 1979 offre un instantané, une photo de famille du New York minimaliste et improvisé de l'époque. Il permet ainsi de voir à quel point cette scène, qui se retrouvait à travers quelques fondamentaux, était partiulièrement diversifiée et prolifique. En outre, ces enregistrements en concert sont d'une parfaite qualité sonore.