Emmanuel Saint-Bonnet

KLAUS SCHULZE
Le rêve éveillé (Le mot et le reste, 2024).

Emmanuel Saint-Bonnet, Klaus Schulze. Le rêve éveillé (Le mot et le reste, 2024).

C'est une gageure de consacrer un ouvrage entier à Klaus Schulze (1947-2022), parce que le grand maître allemand des musiques électroniques n'avait pas une approche théorique et conceptuelle de sa musique.

Son approche était éminemment intuitive, que ce soit dans sa manière d'aborder la technique ou de « composer » dans l'instant du moment. Klaus Schulze rejetait la filiation artificielle avec, par exemple, un compositeur tel que Karlheinz Stockhausen, figure essentielle d'une musique électro-acoustique hautement théorisée. Des cautions intellectuelles ont très souvent été cherchées pour apporter aux musiques électroniques populaires des sources de respectabilité. Klaus Schulze n'en a jamais ressenti la nécessitée. De même, il rejetait aussi (démarche très courante) toutes formes d'étiquetage et de classification, de la Kosmische Musik au New Age, en passant par la Techno, qu'elles soient faites par soucis de définition ou à but de marketing.

Emmanuel Saint-Bonnet, déjà auteur de Tangerine Dream (Le mot et le reste, 2023), relève le défi en suivant chronologiquement le parcours discographique et scénique de Klaus Schulze, de ses premiers pas avec Psy Free, Tangerine Dream, Ash Ra Temple, puis sous son nom propre, jusqu'à son dernier opus Deus Arrakis en 2022. Et même pour finir, en "bonus", un chapitre "Vie parallèle", présentation les nombreuses publications faites en parallèle à ses albums, incluant la conséquente collection en 16 volumes Vie électronique. Ce parcours inclut bien sûr sa collaboration avec la chanteuse Lisa Gerrard, une brillante collaboration elle aussi née d'une intuition. Suivre ce parcours, c'est se rendre compte, au fil du texte, que Klaus Schulze est assez peu fréquemment en « solo » complet dans les faits. Là réside, pour résumer en deux points, l'élucidation du mystère de cette « vie électronique ».

Premièrement, Klaus Schulze a pratiquement toujours été aux avant-postes de l'évolution technologique, des premiers synthétiseurs analogiques au passage au numérique et à l'arrivée de la norme MIDI, sans en faire un cheval de bataille. Ce qui n'empêcha pas des ratages ou résultats hasardeux. Klaus Schulze utilisait les technologies de son temps les plus aptes à exprimer et saisir son inspiration du moment. Emmanuel Saint-Bonnet expose clairement son attrait ou son rejet pour tel ou tel disque. Il en donne les clefs. À chacun ensuite d'aller les écouter ou réécouter pour conforter ou revoir son propre jugement subjectif. Ainsi se visite une oeuvre immense.

Deuxièmement, Klaus Schulze a aussi toujours impliqué dans sa démarche d'autres personnes, musiciens (batteurs, violoncellistes, chanteurs...), techniciens, et pu compter sur son indéfectible chargé administratif Klaus D Müller (KDM pour les connaisseurs), dont les citations (et prises de position à l'emporte-pièce) émaillent l'ouvrage. De même, lors de ses concerts, l'un des principaux appuis de Klaus Schulze était son public, son retour direct et inspirateur émotionnel.

L'ouvrage est riche d'informations et d'anecdotes révélatrices en ce sens, parfois surprenantes. Par exemple, pour la publication de Das Wagner Desaster, des enregistrements en concerts à Paris et Rome en mai 1994, Klaus Schulze en confia le mixage, et la réalisation de la pochette, à André Zenou, du groupe PSA, à l'origine venu voir Klaus Schulze dans son antre à Hambühren pour lui proposer un modèle de voiture Citroën siglé « Klaus Schulze ». Une preuve aussi, s'il en faut, que l'aura de Klaus Schulze est aussi importante que celle de Pink Floyd ou Genesis.

Revue de presse sur le site Le Mot et Le Reste.

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© Eric Deshayes - neospheres.org