Excellente surprise que ce Mingus Erectus de Noël Balen. L'auteur de la grande référence L'Odysée du Jazz s'exprime ici en jazz poet et publie un recueil de textes bien balancés s'inspirant des frasques légendaires du compositeur et contrebassiste.
Il faut bien connaître le personnage, et même avoir lu son autobiographie Moins qu'un chien, pour comprendre d'emblée à quels faits réels ou fictifs certains textes se rapportent. Dans Moins qu'un chien, Mingus relatait, mais aussi déformait et réinventait sa vie, de son enfance jusqu'à la fin des années 1950, moment où il fit une première dépression nerveuse et une psychanalyse. Publiée dix ans plus tard, sans être augmentée, mais au contraire expurgée de nombre de pages trop sulfureuses, elle apportait surtout une vision fantasmée de sa vie. Vision qui est restée et sur laquelle Noël Balen tisse ses rimes, notamment les très explicites « La légende du chien » et « Tijuana Fuck ».
Excellente surprise puissance deux avec l'écoute du CD inclus. Près d'une trentaine de musiciens et chanteurs mettent en musique certains textes du recueil, sur des compositions d'Étienne Gauthier et des arrangements de thèmes de Charles Mingus. S'apprécie ainsi une oeuvre collective brillant de 50 nuances de jazz incluant le hip-hop. Il s'agit de l'un des plus beaux disques jamais publiés lui rendant hommage. A son écoute, l'esprit de Mingus revit et virevolte comme une plume. Tâche ardue mais parfaitement assurée, Noël Balen assure lui-même les parties de contrebasse. Il faudrait citer tous les participants, tant tout est bon. Emmanuel Bex est à l'orgue et Ricky Ford au sax ténor sur la version très churchy de « Goodbye Pork Pie Hat ». Le rappeur Passi intervient sur « To Be Or Not To Be Bop ». Les voix de Michel Jonasz et de Liz McComb se rencontrent sur « Le Saint Noir et les Femmes Pécheresses ». « Un truc funky » nous rappelle les grandes heures de Buckshot Le Fonque, avec Mike Ladd, Kohndo à la voix, Marius Atherton à la guitare funky et Stéphane Belmondo à la trompette. C'est un réel bonheur d'entendre être nommés sur un même titre, Mingus, James, Sly, Michael, Clinton, Stevie, Maceo, Al Green, sans oublier « Le lutin princier », preuve, s'il en fallait encore, que Charles Mingus a apporté plus d'une pierre à l'édifice des musiques qui groovent, exultent et suent.