ROTHKO

Eleven stages of intervention (Bip-Hop, 2007)

Rothko Eleven stages of intervention (Bip-Hop, 2007)

S'accaparer le patronyme de Mark Rothko, l'un des maîtres de l'expressionnisme abstrait, consistait déjà à se poser un sacrer défi ou, dans le pire des cas, à accuser une sérieuse déviance prétentieuse. Les tableaux quasiment monochromes du plasticien trouvent cependant un terrain d'entente avec le groupe anglais, à travers les jeux de vibrations qu'ils exploitent chacun à leur manière, l'un par la lumière sur ses velours colorés, l'autre, sur son album Eleven stages of intervention, par ses tracés sonores, ici d'une douceur extrême et semblant se déployer à l'infini.

Ils exploitent chacun dans leur domaine des propriétés physiques élémentaires. Alors que la couleur est la résultante de photons faisant scintiller la matière, le son résulte quant à lui du mouvement de l'air dans un espace déterminé. Le quatuor, composé de Mark Beasley (basse, guitare, piano, claviers), Michael Donnelly (basse), Ben Page (claviers, percussions et harmonium) et Tom Page (batterie, percussions), développe de longues ambiances de cordes et de petites percussions en suspension, parfois quelques grondements orageux ou grésillements électriques.

Les mélodies s'installent comme celles d'un mobile sonore accroché dans un jardin. Ces aspects indéfinis, abstraits, finalement très stable et apaisant, font de Eleven stages of intervention un superbe disque qui s'écoute en boucle, presque par inadvertance, mais dont l'absence, lorsque l'optique du laser est arrivée en bout de course, se fait étrangement ressentir. En actionnant la touche "repeat" de votre lecteur, ce mouvement régulier de l'optique revenant, au point de départ toutes les 42 minutes et 45 secondes, devient alors partie intégrante du mobile sonore.

© Eric Deshayes - neospheres.org