Le précédent album de Rougge, Fragments date de 2007. Cela fait long rapporté au timing rapide de l'ère digitale. Tout est relatif. C'est une durée infime comparée au temps de formation d'un grain de sable à l'échelle géologique. Le style piano-voix de Rougge est intemporel. Il n'y a pas de mots mais des vocalises accompagnées seulement au grand piano avec un même sens inné de l'improvisation sensible.
Rougge chante en se laissant porter, emporter même, par les vibrations de ses cordes vocales tout en jouant des mélodies simples et aériennes au clavier. Il ne force pas sur sa voix, murmurant par moments ou la laissant s'envoler librement.
Nous évoquions une lointaine consonance avec Offering, le projet vocal de Christian Vander de Magma. C'est presque indiquer une fausse piste. Il n'y a pas d'équivalent, c'est Rougge. Il enregistre des Fragments, car il doit certainement chanter ainsi des heures entières, tel un chanteur de raga indien entrant en transe, mais sans là non plus en adopter le style. Ce sont des Fragments de sessions touchant à l'infini.
Le Fragment 22 en fin de disque propose une légère variante, une nouvelle orientation. Rougge chante avec une petite formation à cordes. Peut-être n'aurons nous pas à attendre aussi longtemps pour voir arriver un troisième album. Le temps a de toutes façons peu de prise sur nous à l'écoute de Monochrome. Toute bonne musique détient ce pouvoir : nous faire perdre nos repères temporels.