Satan était un groupe originaire du Mans de tendance progressive dont la réputation atteignit pratiquement un niveau national. Il opérait hors des circuits commerciaux traditionnels et n'inscrivit alors pas son nom dans l'histoire discographique, faute d'avoir publié un album, pourtant auto-produit et enregistré au Studio 20 à Angers en décembre 1973. L'album a finalement été édité par Monster Melodies en 2016.
Julien Thomas, qui a écouté la maquette de l'album dans son enfance dans la voiture de ses parents (!), a contribué à ce projet d'édition. Il fournit également des éléments biographiques détaillés sur le site de Monster Melodies et dans un article sur Gonzaï.
L'histoire du groupe démarre au Mans en 1968, lorsque se forme The New Rainbow, rapidement rebaptisé Heaven Road, pour prendre part à la vague blues boom en France en jouant des reprises. Heaven Road interprète bientôt ses propres compositions et s'inscrit dans la vaste mouvance des musiques progressives. Heaven Road se produit six fois au Golf Drouot à Paris et remporte le Tremplin à trois reprises, de janvier 1971 à décembre 1972. Le groupe, très renommé dans la région, assure à la MJC de Château-du-Loir, la première partie de Magma en début 1972 et celle de Ange début 1973. C'est d'ailleurs en référence au groupe Ange de Belfort, qui domine la scène progressive française en matière de ventes, que Heaven Road se rebaptise en 1973 avec un nom en français : Satan. Le groupe Satan assurera notamment plusieurs premières parties de Caravan en 1973 et 1974. À partir de l'été 1974, le groupe joue parallèlement sous le nom de Ciel d'Été pour animer des bals-rock. Ciel d'Été décroche de nombreux engagements dans le Grand-ouest, la formation sous le nom de Satan, au répertoire autrement plus personnel, n'a pas cette chance et s'arrête en 1976.
Dans ses textes chantés en français, très poétiques et réduits à l'essentiel, Satan ne faisait effectivement pas de concession à l'industrie du divertissement. Sur une trame évoquant un peu le style de Caravan sur un tempo lent, « Le Voyage » narre le destin d'un homme parti ailleurs sur « une étrange planète » parce qu'il ne pouvait être heureux sur Terre. Le titre « O.S » décrit en quelques phrases la journée d'un ouvrier spécialisé qui fait la queue devant la pointeuse, puis à la cantine le midi et, arrivé le soir, n'a le courage que de se coucher car il n'y a rien à la télé. « Le Robot » prend également une thématique critique vis à vis du monde moderne « prisonnier des lois de la science ». Les parties vocales au style déclamatoire paraissent bien sûr un peu datées, mais cela apporte, disons, une sorte "d'exotisme historique". Sur la face B du 33 tours, d'autres modes d'expression vocale sont également utilisés, notamment des cris très réussis en ouverture de « La Nuit des Temps ». Sur « L'Aigle », le chant est pratiquement enjouée. A d'autres moments le texte est parlé plutôt que chanté, un style plus neutre qui résiste mieux au temps. Les parties instrumentales sont excellentes, ici une rythmique très originale, là un son d'orgue lancinant. On notera en particulier la recherche sur les claviers, orgues et Moog.
Disquaire à Paris depuis 1985, Monster Melodies est devenu un label en 2013 et déploie une belle énergie à l'édition ou la réédition en vinyle de groupes underground français des années 1968 à 1978. Satan est la onzième référence d'un beau catalogue qui contient déjà des 33 tours de Fille Qui Mousse, Bananamoon Band, Moving Gelatines Plates, Robert Wood and Woodlands, Vangelis Papathanassiou, Dies Irae et Jacques Dudon. De beaux vinyles de couleur rouge transparente avec pochette à rabat et suppléments iconographiques (reproductions d'affiches d'époque).