En cette époque d'amnésie et d'instantanéité où tout doit pouvoir être commandé en trois clics et livré tout cuit, voire prémâché, la Société des Timides à la Parade des Oiseaux, plus communément dénommée «la STPO», est un modèle de décalage et de longévité. Fondée en 1984, elle a 30 ans tout rond cette année, deux de ses membres fondateurs sont toujours présents, Jim B à la guitare (ainsi qu'au graphisme pour la pochette de ce disque), Pascal Godjikian à la voix et aux textes. Patrice Babin (batterie, percussions) est arrivé dans le groupe en 1985. Benoît Delaune (basse, violoncelle), Guillaume Dubreu (basse, trombone), Christophe Gautheur (synthé, saxophone) et Johann Mazé (trompette) sont "sociétaires" sur tout ou partie du disque, munis de leurs instruments cités et également à la voix si le script complexe exige un "chœur".
La STPO sait donc prendre son temps. Cet album live rassemble des morceaux enregistrés en concerts de 2006 à 2009 et ce n'est toujours pas du tout cuit. «I Cuento Blumen» démarre sur une douce ambiance laissant présager une mélopée bucolique, tandis que le chanteur dit compter les fleurs... Première touche d'humour, cela dure à peine plus de 30 secondes (là où d'autres en auraient paresseusement fait un album entier) ; batterie et voix à l'unisson balancent la douce harmonie dans le décor pour attaquer une suite rocambolesque de cassures rythmiques, de sauts d'une langue à l'autre (anglais, espagnol, français, allemand) et revenir par moments à des accalmies tintinnabulantes. Ce n'est pas facile, et rappelons-le, c'est joué en live, il ne s'agit pas d'un habile collage de studio.
Constructions, déconstructions, cassures, pliures, cris et jeux vocaux sérieusement déjantés sont à l'œuvre sur des morceaux aux titres savoureux : «La Vallée des Empreintes », « The Sound Of The City Seems Not To Disappear », «Le Femme Immortel» (sic)... Ce dernier est assez court pour que son texte puisse être écrit sur un kleenex : «Ma hasouh houb boub boub a / Dweï Dwaï i fer fel / O! Demanolekin ! Hahla ! Vrstalcek » (tous les accents ne sont pas retranscrits ici). Outre le texte lui-même, l'interprétation, entre chœur et canons, «Le Femme Immortel» n'adopte pas encore le format pop bubble gum, heureusement. Mieux vaut donc l'écouter, ledit disque, en commençant par exemple par «Le Minisme» ci-dessous, c'est une très bonne gymnastique pour les neurones, comme toute création dadaïste. Et encore, peut-on sérieusement "classer" la STPO sous la bannière désormais fourre-tout de dadaïsme ?