Le 24 août 2006 l'Union Astronomique Internationale a voté à main levée la destitution de Pluton de son rang de planète. Un simple vote et notre système solaire ne compte officiellement plus que 8 planètes. Sa constitution semble abruptement futile et instable. Dans ses conditions, rien ne nous empêche aujourd'hui de croire que l'extra-terrestre Herman Poole Blount alias Sun Ra (né "humain" le 22 mai 1914), est lui, et lui seul, le centre de notre système solaire, de l'univers même ! Sun Ra, deux fois Soleil, qui créa son propre label indépendant Saturn Records dès 1956. Des éléments venant étayer cette thèse nous sont livrés par le label ESP qui vient de rééditer Nothing is..., Concert for the Comet Kohoutek, The Heliocentric Worlds vol. 1&2, auxquels s'ajoute un troisième volume inédit jusque-là, Heliocentric Worlds vol. 3
Les enregistrements de The Heliocentric Worlds vol. 1 & 2 datent respectivement du 20 avril et du 16 novembre 1965 et furent captés, au RLA Studios de New York. Ils sont publiés par Bernard Stollman sur son label ESP qu'il fait renaître de ses cendres. ESP pour Espéranto, la langue universelle justement. Nul besoin de formes géométriques géantes dans des champs de blé pour remarquer ces signes. Quand est-ce qu'ils se décideront enfin à diffuser cet épisode inédit d'X-files où Scully et Mulder sont sur la piste de Sun Ra l'alien ? The Heliocentric Worlds 1 & 2 nous plongent dans une musique improvisée qui flirte avec les théories du chaos. Les forces et la matière ne cessent de s'organiser et se réorganiser depuis la déflagration originelle du Big Bang. Sun Ra (piano, bongos, clavioline), Marshall Allen (sax alto, piocollo, flûte), Pat Patrick (sax bariton), Walter Miller (trompette), John Gilmore (sax ténor), Robert Cummings (clarinette basse), Roger Blank (percussions) et Ronny Boykins (contrebasse) mettent en place une systémique qui évoque parfois la musique contemporaine atonale, dite "sérielle". Les soli de chacun introduisent un morceau ou interviennent dans l'écoulement naturel de l'improvisation. Les trajectoires sonores de chaque instrument se rencontrent, s'entrechoquent et par attraction ou répulsion, créent un système de gravitation complexe qui laisse ici relativement peu de place aux déchaînements paroxystiques. La qualité de l'enregistrement studio nous permet presque de "voir" le vide entre les notes, de "voir" l'espace strié de vibrations. Les 35 minutes de The Heliocentric Worlds vol. 3 - The Lost Tapes sont strictement du même tonneau, puisqu'enregistrées lors de la session 16 novembre 1965. Elles méritaient amplement d'être éditées, même si la durée du disque paraît un peu courte. Les titres "Heliocentric Worlds" et "World Worlds" apportent une touche plus "classique jazz", tandis que "Intercosmosis" (17 minutes à lui seul) et "Interplanetary travelers" nous plongent dans un bouillonnement Free Jazz plus cuivré.
Nothing is... est un live enregistré lors d'une tournée dans les universités new-yorkaises organisée par ESP en mai 1966. Cette tournée comprenait également Patty Waters, Burton Greene, Giuseppi Logan et Ran Blake. Le concert livré sur Nothing is... est introduit par Sun Ra au piano, marmonnant quelques phrases incompréhensibles au commun des mortels. La prestation vire progressivement au Free Jazz, le jeu au piano de Sun Ra devient alors aussi destructuré (en moins "tellurique") que celui de Cecil Taylor. Le saxophoniste ténor John Gilmore ponctue le concert de ses sonorités tranchantes. Il s'agit d'un concert de plain-pied dans le terreau Free Jazz, particulièrement fertile cette année là. L'originalité de l'univers de Sun Ra transparaît d'ailleurs beaucoup moins sur ce disque. La première parution de ce live, sur ESP, date de 1970. Elle a été rééditée une première fois au format CD en 1992. La réédition de 2005 est agrémentée de 3 morceaux inédits, dont "Outer Nothingness" de près de 16 minutes.
Concert for the Comet Kohoutek a été enregistré au Town Hall de New York City le 22 décembre 1973 pour célébrer le passage de la comète. A noter que, une semaine plus tard, Gong organisa une 'Kouhoutek Comet Party" au Lyceum de Londres, tandis les "Kometenmelodie" de Kraftwerk, sur Autobahn (1974) sont dédiées à ce même événement céleste. Concert for the Comet Kohoutek de Sun Ra débute par un discours fumeux d'un "présentateur" qui se fait copieusement insulter par un public excédé. Le show afro-futuriste peut enfin démarrer et va voir se succéder et interférer des passages "soul jazz", "free" et africanisants. De très bons moments bien groovy sont portés par une chanteuse dont la voix évoque celle d'Abbey Lincoln, notamment sur les versions de "Enlightenment" et du fameux "Space is The Place", immanquable dans ce contexte. Le concert est émaillé de déchaînements électro, au cours desquels Sun Ra, à l'aide de son mini-moog, entre en communication avec les aliens dans un langage crypté. Environ 6 minutes après le début de "Discipline 27", les musiciens semblent même contraints d'arrêter de jouer, Sun Ra démarrant sans crier gare une improvisation cybernétique infernale. Il sera finalement acosté par des sax hurleurs. Le titre "Kohoutek" est un quasi-solo de Sun Ra qui aura peut-être endommagé quelques oreilles humaines mais aura certainement ravis les extra-terrestres de passage. La fusion de tous ces éléments est diabolique sur le soul-électro-free "Love In Outer Space". Parfois cacophonique, Concert for the Comet Kohoutek est en tout cas incandescent. Un must dans la discographie pléthorique du maître des étoiles.
L'Union Astronomique Internationale ignore honteusement le cas Sun Ra. La prochaine parution d'un autre Sun Ra, Proclamation - Poetry and performance from 1972 at Slugs, sur ESP-Disk, la réveillera peut-être. Que ces prétendus scientifiques se méfient. Un jour Sun Ra, reparti dans le cosmos du côté de Saturne le 3 mai 1993, reviendra, peut-être sous la forme d'un trou noir. Là, il sera trop tard pour les votes à main levée. Il avalera le système solaire et en une nano-seconde et ce sera le grand BLACK-OUT.