Julia Wolfe

Dark Full Ride (Cantaloupe Music, 2009)

Julia Wolfe  Dark Full Ride

Un peu comme le ferait un conte des frères Grimm, Dark Full Ride nous invite à une chevauchée à travers une forêt ténébreuse. A vrai dire la compositrice et co-directrice du Bang On A Can Julia Wolfe n'est pas non plus une habituée du burlesque, mais plutôt d'un post-sérialisme cinglant. Ainsi Arsenal of Democracy (1993) le faisait avec un parti pris extrême dans ce que l'on pouvait appeler de véritables attaques mélodiques, claquantes et brutales. Sur Dark Full Ride on gouterait donc presque à une douceur ouatée, mais la laine est celle d'un mouton noir. Le sous-titre « Music in Multiples » l'annonce, Julia Wolfe met en place un dispositif assez particulier. A l'exception de « Dark Full Ride » pour quatre batteries jouées par le Talujon Percussion Quartet, toutes les pièces sont interprétées par un seul musicien qui se démultiplie grâce, on l'imagine, au re-recording. Sur « LAD » Matthew Welch joue de neuf cornemuses. Sur « My lips from speaking » Lisa Moore joue de six pianos. Sur « Stronghold » Robert Black joue de huit contrebasses. L'aridité du travail afférent à ce dispositif laisse peu de place à l'émotion, notamment sur « Dark Full Ride », froid comme une portée de notes sèchemment écrites. La pièce pour pianos est dotée d'un peu plus d'humanité en évoquant le ragtime, Conlon Nancarrow et György Ligeti. Ce sont surtout les pièces pour cornemuses et contrebasses (jouées à l'archet) qui nous enveloppent de leurs notes continues et entrelacées et nous communiquent le plus de sensations. Dark Full Ride est bel et bien dark, sombre et noir, habité d'une mélancolie quasi funèbre.

© Eric Deshayes - neospheres.org