Les Heurs Électriques est de ces projets qui se distinguent tant que, rien que matériellement, ils ne sont pas faits pour intégrer une « discothèque idéale » où tout est tragiquement du même format. Le boîtier cristal est au format DVD mais contient un CD audio et des tirages photos. Plusieurs sont celles d'un bord de mer à marrée basse, une autre photo montre une guitare échouée sur un lit. « Heurs électriques » veut dire, en vieux français, des choses « heureuses et électriques qui arrivent ». Le projet découle de recherches sociologiques sur les lieux qui font liens.
On n'en sort pas. Dès que l'on pense saisir le sujet, il nous échappe, la compréhension étant désamorcée, non pas par un élément dialectiquement opposé, mais par quelque chose d'un autre ordre qui déborde du format que l'on élabore. Reste la musique pour tanguer encore. On se laisse embarquer par des rêveries plutôt acoustiques pour piano, guitare, violoncelle, voix et harmonium grinçant. La mélancolie nous envahit comme les flots s'engouffrent dans l'épave d'une barque éventrée, chaque marrée l'écorchant un peu plus à chaque passage . Bientôt elle ne sera plus qu'un souvenir conservé sur une photo jaunie. C'est un peu comme si Eric Rohmer avait tourné un film avec les Beach Boys en villégiature à Knokke-Le-Zoute. Etre profondément heureux s'est ressentir en soi en un même instant la joie et la tristesse, il faut les deux pour que ce soit complet. L'un des plus beaux morceaux s'intitule « Les au-revoirs », ce n'est pas tout à fait une chanson pop, on entend presque un thérémine, ça dure près de sept minutes.