Les 3 uvres que contient Assassin Reverie ont été enregistrées par Terry Riley et le quatuor de saxophones allemand Arte Quartett. La première pièce Uncle Jard, composée en 1998, dure presque 20 minutes. Elle se développe en 3 parties. Sur la première Terry Riley chante façon raga, accompagné par le quatuor de saxophones, et par lui-même au piano et au clavecin. Au cours de la deuxième partie Terry Riley au piano, toujours accompagné du Arte Quartett, nous embarque avec sa voix dans un morceau qui sonne comme un Jazz d'avant-guerre, puis flirte avec le Third Stream à la manière d'un Charles Mingus. Oui, étrangement (mais est-ce si étrange finalement ?) Terry Riley rejoint à ce moment les aspirations de Charles Mingus à l'époque où il tentait (et réussissait) à créer une "musique classique noire", notamment avec son uvre The Black Saint and The Sinner Lady de 1962, soit une sorte de symphonie pour grand orchestre de "Jazz". Les guillemets sont ici nécessaires car comme le disait à peu près Mingus : "Appelez ça de la merde si vous voulez, mais n'appelez pas ça du Jazz. Le mot Jazz a été inventé par les Blancs pour dénigrer notre musique". La troisième partie se situe plus dans un style proche de Sax for a Pax de Moondog, soit une utilisation contrapuntique et enchanteresse des sonorités des saxophones.
L'uvre éponyme Assassin Reverie, de 19 minutes environ, commence d'une façon plus classique en exploitant les couleurs "jazzy" des instruments à vents puis déviant ensuite vers des colorations plus contemporaines "sérielles". Interviennent ensuite en arrière-plan des effets électroniques, ainsi qu'une rythmique de carillon qu'on imagine obtenue par la compression de sons saxophones. Assassin Reverie se termine dans une délirante cacophonie qu'on a plutôt l'habitude d'entendre dans un contexte Free Jazz, Terry Riley lui-même balançant des sonorités électroniques dignes d'un Sun Ra.
Le troisième morceau d'Assassin Reverie est une nouvelle interprétation de Tread on The Trail, une composition datant de 1965, l'une des rares pièces composées par Terry Riley pendant les années qui ont suivies In C. La seule version enregistrée de Tread on The Trail était disponible sur l'album du saxophoniste Jon Gibson In Good Company (Point Music, 1992). Cette nouvelle version par le Arte Quartett nous replonge dans les aspects "minimalistes répétitifs" de l'uvre de Terry Riley et dans les effets psycho-acoustiques, à tel point que les sonorités de saxophones deviennent parfois "surnaturelles", comme produites par un synthétiseur.
L'album Assassin Reverie est un parfait complément à Atlantis Nath. Plus homogène, plus sobre aussi, il nous permet de prolonger la découverte de ce "nouveau visage" de Terry Riley et de nous rendre compte qu'Atlantis Nath n'était pas qu'une simple passade. Ce "nouveau" Riley n'est pas de totalement différent de celui que nous connaissions déjà. Au contraire, il fait en quelque sorte la synthèse des différentes pistes qu'il a explorées par le passé. Avec Assassin Reverie Terry Riley trouve un juste milieu entre musique occidentale (Jazz, musique électronique, musique dite "contemporaine") et musique orientale (le chant Kirina d'Inde du Nord dont il s'est imprégné depuis près de 40 ans).