Descent est le cinquième album publié par Chas Smith sous son propre nom. Seulement, est-on tenté de dire, car Chas Smith est loin d'être un débutant. Ancien élève de Morton Subotnick et Harold Budd à la Cal Arts en Californie, Chas Smith s'est initié au légendaire synthétiseur Buchla 200 au début des années 1970.
La recherche de sonorités inouïes aura toujours été à la base de ses travaux. Il s'est ainsi passionné pour la pedal steel guitar, instrument traditionnellement lié à la Country music qu'il a amené sur le terrain de la musique contemporaine. Il intervient à la pedal steel guitar, des années 70 à aujourd'hui, sur de nombreuses bandes sons de films hollywoodiens (Le Monde de Nemo et American Beauty entre autres) et sur les albums de ses comparses du label Cold Blue (Michael Jon Fink, Jim Fox, Rick Cox...).
Chas Smith a finalement pu concrétiser ses aspirations personnelles, dans les années 80, en élaborant lui-même ses instruments, à l'instar d'un Harry Partch. Ses instruments, qui ont pour noms Copper Box, Que lastas, Junior Blue, Guitarzilla, sont principalement élaborés à partir de guitares et de pièces de métaux (titane, fer, bronze...).
L'univers sonore de Descent est par essence sans équivalent et son écoute tourne vite à l'obsession. Les sons se font tour à tour lumineux, sombres, angoissants, mystérieux et fascinants. La convocation quasi automatique de l'allégorie du paysage sonore à propos des musiques ambient paraît ici absurde. La musique de Descent n'incite pas à la visualisation de quelconques images mentales, elle existe pour elle-même. Selon Chas Smith lui-même : « vous ne regardez pas le paysage, vous êtes dans le paysage ».
Descent se compose de trois longues pièces où apparaissent, évoluent et disparaissent des résonances dilatées de gong, de clarinette, d'un avion de ligne fondu dans la masse sonore s'échappant des instruments manufacturés, des cordes vibrant sous le passage d'un archet qui semble mesurer plusieurs mètres de long... L'auditeur est en immersion dans ces notes qui résonnent et se prolongent, se fondent et s'entrecroisent. Chas Smith n'est pas à la recherche du beau à tout prix (comme souvent chez Harold Budd).
Les sons sonnent parfois de façon très étrange, comme si un grand orchestre tenait longuement une "fausse note". Descent est une réelle expérience acoustique, qui change selon différents paramètres : les dimensions de la pièce, le volume sonore, l'heure de l'écoute... Ce disque semble naître d'un double paradoxe : d'abord celui d'une création sonore abstraite basée sur des recherches acoustiques concrètes ; ensuite celui d'une abstraction dont l'expressionnisme est à fleur de peau.