Lancé par le compositeur américain Jim Fox au début des années 80, le label Cold Blue s'est vite fait repérer comme une référence au rayon minimalisme et postminimalisme de la Côte Ouest des Etats-Unis, mais son activité a stoppé nette en 1985 suite à la faillite de ses deux principaux distributeurs et à l'arrivée du CD. Cold Blue n'y était tout simplement pas préparé. 15 ans plus tard, Jim Fox, un peu las des relations impersonnelles avec ses maisons de disques, décide de relancer Cold Blue, un label où relations amicales, artistiques et éditoriales ont toujours formé un tout. En décembre 2000, Cold Blue refait ainsi surface avec Last Things de Jim Fox et c'est reparti de plus belle. Une douzaine de nouveaux albums (dont quatre de Chas Smith) et sept singles ont été publiés depuis. Cold Blue a également édité le coffret 3 CD The Complete 10-Inch Series from Cold Blue regroupant les mini-albums sortis dans les années 80. Aujourd'hui (juin 2006) plusieurs sorties sont d'ores et déjà planifiées. Depuis quelques mois le label est distribué en France par Orkhêstra, une aubaine pour explorer un pan important de cette "école" au minimalisme acoustique et vaporeux. Cette réédition de la compilation Cold Blue, initialement publiée en 1984, en est la porte d'entrée idéale.
Le choix d'une photo de cyclone pour illustrer la pochette du disque paraît au départ assez étrange. Mais tout s'explique. Entre le son monstrueux de guitarzilla de Chas Smith, en ouverture, et le déferlement de notes de piano (un hommage de James Tenney à Conlon Nancarrow), en clôture, règne un calme très relatif, celui qui se situe justement au centre de l'il du cyclone. Après un quasi attentat sonore Chas Smith nous embarque dans ses sons démesurément dilatés. Il est suivi de près par la "ballade sicilienne" étirée et distordue d'Ingram Marshall. Avec The Three Strange Angels de Peter Garland l'ambiance devient lourde. Des grappes de notes sont plaquées sur un piano préparé. Ces sonorités lentes et lugubres rappellent les claquements de porte de prison d'Alcatraz d'Ingram Marshall. Daniel Lentz propose quant à lui une pièce, composée en 1971, pour percussions et voix, nettement plus enjouée. Michael Byron est à l'épicentre du cyclone : Marimba in the Dorian Mode est quasiment inaudible, à moins de fortement pousser le volume. Jim Fox nous emporte ensuite avec Appearance of Red dans une pièce pour piano, guitare électrique et violoncelle qui s'apparente à une musique de film. Angelo Badalamenti s'en est très certainement inspiré pour composer la B.O. de Twins Peaks. Appearance of Red est en tout cas l'un des plus beaux morceaux de Cold Blue. La pièce suivante, signée David Mahler, pour piano solo, prolonge un peu l'ambiance mais dans un registre plus classique. Le morceau de Read Miller est en fait un duo pour voix chuchotées délicatement passé à la moulinette (un synthétiseur Serge) par Chas Smith. Le changement est radical avec In The Light de John Kuhlman : des rythmiques légèrement electro New Wave combinées à un chant de cérémonie chamanique. In The Light fait figure de morceau "pop" sur cette compilation. Rick Cox explore ensuite sur Necessity les infimes vibrations des cordes de sa guitare électrique préparée. Michael Jon Fink lui exploite les sonorités du célesta. Wonder's Edge d'Eugene Bowen et Harold Budd dénote plutôt. Il s'agit du seul morceau "ambient synthétique". Démarrant un peu comme la pièce de Peter Garland, Spectral Canon for Conlon Nancarrow de James Tenney s'accélère et se déglingue très vite. Il s'agit là d'un hommage plutôt réussi aux pianos mécaniques de Nancarrow.
Cette compilation est particulièrement exigeante. Les aspérités de certains morceaux ne se livrent qu'après plusieurs écoutes (très) attentives, mais le maléfice semble alors sans antidote. Les notes fondues au soleil comme des horloges de Dali sont entrées dans votre tête et, telles des sirènes ensorcelant Ulysse, elles en invitent d'autres à venir occuper votre cerveau. Vous êtes piégé. Le besoin de réécouter le disque ou d'autres Cold Blue se fait cruellement ressentir. Ces notes sont devenues comme nécessaires à votre environnement sonore. A écouter la nuit dans l'obscurité, fenêtre et volets fermés. Impossible en tout cas à écouter de jour fenêtre ouverte, gazouillis d'oiseaux et passages de véhicules motorisés, même lointains, prennent alors le dessus.
Chas Smith Descent (2006) Descent est le cinquième album publié par Chas Smith sous son propre nom. Seulement, est-on tenté de dire, car Chas Smith est loin d'être un débutant... Lire la suite
Chas Smith : An Hour Out of Desert Center (2003). A l'instar d'Harry Partch, Chas Smith, à la recherche de sons inouïs, fabrique ses propres instruments pour les faire résonner à l'infini.
Jim Fox : Descansos, past. Ce single de 2005 contient un seul morceau, d'une durée de quinze minutes. Descansos, past est une composition pour quatre violoncelles et contrebasse. Cette pièce est belle, lente et mélancolique.
Marty Walker : Dancing on Water (2001). Marty Walker à la clarinette basse joue des compos du staff Cold Blue (Fink, Lentz, Fox, Garland, Byron, Cox). Quelques très belles pièces notamment Song(s) of the Sirens de Daniel Lentz avec la voix d'Amy Knoles et Bryan Pezzone au piano.
Rick Cox : Maria Falling Away (2001). Bel album ambient acoustique avec la participation de Jon Hassell, Chas Smith, Thomas Newman et Jeff Elmassian.