Don't believe the hype! Sûr que cette sentence proférée par Public Enemy, Tricky a bien dû l'entendre dans les eighties. Sûr aussi qu'elle ne s'appliquait que trop à lui ces dix dernières années. A chaque nouvel album la presse musicale généraliste criait au chef d'oeuvre, au grand retour en forme du sieur Tricky et, comble de l'horreur, osait dire qu'il était enfin revenu de ses errements torturés de l'époque Nearly God (1996) / Pre-Millenium Tension (1996), foulant du pied deux de ses trois plus belles réussites avec, évidemment, Maxinquaye (1995). A ce brelan d'as il faut ajouter au moins trois jokers dans le désordre, des productions parallèles : Baby Namboos (Ancoats 2 zambia), Tricky presents Grassroots (le démoniaque Tricky Kid, un sommet !) et Tricky with DJ Muggs and Grease (Juxtapose). Depuis Angels With Dirty Faces (1998), inclus, la presse jouait le jeu, mais le buzz passé, il faut être franc, on se retrouvait systématiquement avec trois ou quatre bons titres par album pour un restant loin d'être inoubliable, alors que de magnifiques EP auraient suffi. Bien que court, justement, Mixed Race en 2010 a déjà sérieusement rassuré, même si son côté chamarré représentait autant une qualité qu'un défaut.
La tendance au mieux se confirme. A la sortie de False Idols, Tricky donnait lui-même l'élément de vocabulaire à communiquer : "back to basics", retour à l'essentiel sans fioritures. Pour une fois il faut croire Tricky et la presse qui le reprend. False Idols est un très bon album, il a le grand mérite de pouvoir s'écouter et se réécouter d'un bout à l'autre sans que l'on ait l'envie de zapper. Quelques titres tutoient l'excellence, tous les autres sont d'un très bon niveau. Quelles sont ces bases essentielles retrouvées qui font cette réussite ? Des samples bien tordus, des rythmiques jungle au ralenti, des schémas simples pour un groove rampant captivant. Et puis il y a les voix, féminines et masculines, dont, évidemment, celle de Tricky susurrée dans les graves. L'extrêmement schématique Passion Of Christ revêt ainsi une beauté ténébreuse que l'on a plaisir à retrouver. Nearly God avait été présenté à sa sortie comme une collection de "démos". On retrouve cet esprit, avec une finition à peine plus poussée. Plusieurs titres de False Idols, dont Valentine, avec la voix samplée de Chet Baker (My Funny Valentine), utilisent le même type de sons indolents présents sur Nearly God, qui évoquent la chute régulière d'une goutte d'eau tombant d'un robinet qui fuit. Du concret fantomatique. La voix de Francesca Belmonte, sur plusieurs titres, rappelle par ailleurs fortement celle de Martina (dont, soit dit en passant, les albums sous son nom sont tous fortement conseillés). D'excellent, il y a aussi Nothing Changed, revisitant, pour notre plus grand bonheur, Makes Me Wanna Die, paru sur Pre-Millenium Tension. Parenthesis est une belle collaboration avec les guitares tranchantes et la voix de Peter Silberman de The Antlers, groupe indie rock de Brooklyn. False Idols est, en somme, un très bel album, au sens propre, une collection de titres réussis rassemblés sur un seul disque, à l'ancienne.